• LES BRÛLURES / LESIONS CHIMIQUES

     Pourquoi parler de « lésion chimique » plutôt que de « brûlure chimique » ?

     Bien que le langage courant de nombreux pays utilise le terme de "brûlure" tant pour les accidents thermiques que chimiques, il serait judicieux, comme le font les germanophones, d'adopter des noms différents. En effet, les processus lésionnels et la physiopathologie des accidents thermiques et chimiques sont totalement différents. Une distinction s'impose donc.

    Il s’agit là d'une prise de conscience de deux phénomènes différents, nécessitant par là même deux prises en charge différentes.

     

    L'amalgame engendré par la dénomination commune "brûlure" a laissé croire trop longtemps que l'eau, parfaite pour un "cooling" de dissipation de chaleur, était une panacée universelle.

    Tandis que l'agression thermique correspond à un simple transfert de calories par radiation et conduction, l'agression chimique quant à elle met en œuvre de réelles réactions moléculaires. Ces réactions diffèrent d'ailleurs selon la nature de la substance ainsi que sa concentration.

     

    Ainsi, on peut distinguer plusieurs types de produits pouvant engendrer des lésions chimiques :

     

    • acides ou bases (le plus souvent il s'agit d'acide sulfurique (H2SO4), d'acide chlorhydrique (HCl), de soude caustique (NaOH), de la chaux (CaO)
    • oxydants forts (ozone pur, nitrate d'argent (AgNO3)...)
    • solvants puissants
    • agents réducteurs puissants
    • alkylants
    • nombreux agents chimiques (dits gaz de combat) utilisés pour des armes chimiques), dont les plus connus sont les agents vésicants tels que les gaz moutarde et lewisite, ou urticants comme l'oxime de phosgène

     

    Les lésions engendrées par un acide sont différentes de celles dues à une base ou encore celles provoquées par un solvant. Pour une lésion thermique, il y a seulement proportionnalité entre la profondeur de la lésion et la température ainsi que le temps d'exposition. La nature de la substance chaude n'a d'importance qu'au niveau de la conduction thermique (l'eau bouillante brûle la peau plus vite que l'huile bouillante). Le coefficient d'échange définit d'ailleurs cette vitesse de passage des calories d'un corps chaud vers un autre plus froid.

    Si la lésion thermique est principalement de nature physique, la lésion chimique est par essence réellement chimique.

     

    Certaines lésions chimiques se manifestent très lentement et parfois on ne remarque la brûlure que plusieurs heures après le contact agent/corps. C’est le cas des agents lipophiles tels que l'acide fluorhydrique, l’ypérite (gaz moutarde) ou le sulfate de diméthyle qui peuvent produire des inflammations ou de graves brûlures. 

     

    Les lésions chimiques peuvent brûler chimiquement et/ou avec de la chaleur dans le cas d'une réaction chimique exothermique. Ces brûlures peuvent survenir immédiatement au moindre contact avec la peau, l'œil, une muqueuse ou n'importe quelle cellule ; directement ou via des substrats, tissus ou objets contaminés, voire par ingestion d'aliments contaminés (l'Ypérite est très soluble dans le gras). Le plus souvent ces lésions sont extrêmement douloureuses et engendre ou favorise parfois des cancers.

     

      Soldat brûlé par le gaz moutarde (Ypérite)                                                     Brûlure à l'hydroxyde de soude            

     

    Soldat brûlé par le gaz moutarde (Ypérite)                            Brûlure chimique au NaOH 

     

    Les symptômes liés à ce genre d’agression dépendent de l’organe touché, de la profondeur de la brûlure et du produits ayant entraîné la lésion. La plupart sont connus et doivent vous alerter le plus tôt possible :

     

    •  Démangeaisons 
    • Décoloration,  changement de couleur et d'aspect (ex assombrissement de la peau), en petites taches ou sur de grandes surfaces 
    • Sensation de chaleur puis de brûlure, très aiguë parfois 
    • Difficultés respiratoires 
    • Toux sanguinolente 
    • Cloques plus ou moins importantes, jusqu'aux phlyctènes de plusieurs dizaines de centimètres carrés
    • Nécrose des tissus.

     


    Et les chirurgiens des centres de brûlés savent combien sont différents les deux types de lésions: le chimique cicatrise plus lentement et plus difficilement. De plus, les greffes "prennent" moins bien sur une lésion chimique.

     

    Si vous êtes en présence d’une personne qui vient de subir une agression chimique la conduite à adopter est la suivante :

     

    1_ Protéger la personne de tout contact avec le produit ou un autre

     

    2_ Déshabiller complètement la personne avec des gants de protection (oui elle peut avoir reçu des projections de produit à plusieurs endroits sans le savoir)

     

    3_ Laver la peau à grande eau (attention : uniquement si le produit ne réagit pas de façon violente avec l'eau !) afin d'éliminer le produit, et en évitant de contaminer une autre partie du corps ; en particulier en cas de projection dans l'œil, s'assurer que l'eau ne coule pas dans l'autre

     

    4_ Pendant ce temps (si vous êtes plusieurs l’appel peut être passé dès le début de l’accident) : prévenir les secours (« 112 » dans l'Union européenne, le « 15 » en France), en précisant bien la partie touchée et le nom ou la nature du produit et éventuellement les phrases de risques situées sur l’étiquette.

     

    5_ Continuer le rinçage jusqu’à l’arrivée des secours !!

     

    Important :
    à ce jour, le traitement de référence d'une brûlure chimique consiste en un lavage abondant et prolongé à l’eau courante, sur les lieux mêmes de l’accident, selon la règle des 10/15:


    Eau à 10-15°C, ruisselant à 10-15 cm des lésions pendant 10 à 15 minutes.

     

     

     Mécanisme de la lésion chimique

    La brûlure chimique est caractérisée par une destruction partielle ou totale des molécules, des cellules ou structure de la peau ou de l'oeil engendrée par un produit chimique irritant ou corrosif. L'importance de la modification des tissus caractérisera le degré de la brûlure.

      Soldat brûlé par le gaz moutarde (Ypérite)                                              Soldat brûlé par le gaz moutarde (Ypérite)       

    Brûlure chimique de la peau                                  Brûlure chimique de l’oeil 


    1.      Quels produits peuvent engendrer une brûlure ?

     

    Les corrosifs et les irritants sont les deux catégories de produits à caractère dangereux pouvant provoquer une brûlure chimique par simple contact avec l'oeil ou la peau.
    Certains d'entre eux peuvent présenter un double danger en associant une action toxique généralisée à une attaque corrosive primaire (voir acide fluorhydrique).

    2.      Le mécanisme

    Les corrosifs et les irritants ont la capacité d'effectuer des échanges avec les constituants de l'oeil ou de la peau provoquant la brûlure chimique.

    Soldat brûlé par le gaz moutarde (Ypérite)

     

    Cet échange se fait selon six types de réactions chimiques agressives : acide, basique, oxydation, réduction, chélation du calcium ou du magnésium, solvatation.

    3.      Les étapes de la brûlure chimique

    Le mécanisme de la brûlure chimique se décompose en trois phases :

      • le contact à l'origine de la brûlure,
      • la pénétration,
      • la réaction qui constitue la brûlure proprement dite.

    Entre le contact et la réaction, selon la nature du produit, on dispose de quelques secondes à quelques minutes pour intervenir efficacement.

     

    4.      Les Facteurs influençant la gravité de la brûlure:

      • nature du produit,
      • concentration,
      • temps de contact,
      • température du produit agresseur.

     

    Facteurs aggravant de la brûlure chimique

     

    La gravité de la brûlure chimique dépend principalement :

     

    De la nature et de la concentration du produit chimique:

     S'il réagit avec le corps humain via une réaction acido-basique ou d'oxydo-réduction etc.... Pour être agressif, il faut que sa concentration soit supérieure à 0,2 N.

    De l'énergie mise en jeu:

     Cette énergie est liée aux propriétés intrinsèques du produit chimique (son pKa, pKb, son potentiel rédox etc...)

     Du temps d'exposition:

    La surface de contact et l'état des tissus (s'ils sont sains et déjà lésés) est également important.

    Elle dépend également de facteurs physiques telles que la pression ou la température, le site de contact, de l'étendue touchée et de l'état des tissus, sains ou non. L'efficacité de la prise en charge de la décontamination d'urgence et des soins primaires conditionne l'apparition et l'évolution de la brûlure chimique et, en conséquence, l'importance des séquelles. (1)

    (1) Mathieu L, Burgher F, Blomet J. Comparative evaluation of the active eye and skin chemical splash decontamination solutions Diphoterine and Hexafluorine with water and other rinsing solutions: Effects on burn severity and healing [Comparaison des solutions actives de décontamination des projections chimiques Diphotérine et Hexafluorine avec l'eau et d'autres solutions de lavage : impacts sur la sévérité des brûlures et la cicatrisation]. Journal Chemical Health And Safety, 2007, 14, N°4, 32-39

    Le schéma ci-dessous récapitule les éléments précédents. De la rapidité de la prise en charge et de sa qualité dépendront les conséquences de la projection chimique.

     

    Les Bases

     

     

    Sources : www.prevor.com (Dr Lucien Bodson, Anesthésiologiste-Urgentiste Chef de clinique)

     

                  www.wikipedia.fr

     

     

    Voir aussi  Le Danger d’HF


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